Le projet : une ferme et un tiers-lieu paysan
Beauregard raconte l’histoire d’une tentative d’affranchissement du modèle de l’agriculture industrielle intensive. C’est en 1999 que Karine et Nicolas ont repris le domaine viticole en pratiquant la culture conventionnelle avant de généraliser la culture biologique en 2010. Vingt longues et périlleuses années ont été nécessaires avant qu’ils ne soient partiellement libérés du système productiviste.
La ferme Beauregard est désormais durablement installée sur le modèle de l’agriculture paysanne. Cette évolution s’est faite chemin faisant, pas à pas, en réalisant directement sur place le compost qui amende les sols, en accompagnant la mise en place de ruches, d’un troupeau de brebis, en semant des couverts végétaux, en plantant des arbres pour régénérer un agencement bocager là ou il a disparu,… Les vins sont vinifiés sans aucun intrants, en fermentations spontanées avec des levures indigènes qui composent un écosystème autonome dans le chai. Beaucoup de pratiques ont été modifiées pour faire du vivant un allié. Mais Karine et Nicolas ont acquis la conviction que ce ne sera pas suffisant pour faire face à la rapidité des changements économiques et climatiques auxquels ils sont exposés.
La monoculture de la vigne est responsable de la disparition des paysannes, des paysans et des communautés qu’ils composaient dans les Corbières. Si une alternative n’est pas envisagée, cette monoculture va se rendre coupable de la disparition de toute production agricole qu’elle soit conventionnelle ou biologique. L’agriculture industrielle intensive appliquée à la viticulture est condamnée. Deux orientations se présentent : subir le naufrage dans ce qui deviendra une friche industrielle (avec des panneaux photovoltaïques ou des éoliennes comme seule perspective pour remplacer les vignes abandonnées) ou prendre une part active au démantèlement de cette infrastructure (démanteler au sens économique = recomposer une grosse unité qui n’est plus fonctionnelle en plusieurs unités diversifiées adaptées à l’environnement économique).
Le tiers-lieu paysan Beauregard naît de cette volonté de voir perdurer des activités agricoles dans nos campagnes. La proposition n’est pas d’abandonner la vigne dans les Corbières et le Minervois, c’est tout le contraire que nous envisageons. Les pratiques culturales mises en place à Beauregard ne sont pas immédiatement reproductibles et généralisables à l’échelle du bassin de production que représente le Languedoc-Roussillon. C’est entre paysannes et paysans que nous souhaitons innover pour composer de nouvelles réalités agricoles en vue d’habiter de façon désirable et pérenne nos campagnes.
La mobilisation paysanne que nous envisageons, nous paraît indissociable d’autres formes de mobilisation.
· La mobilisation par la culture – La condition paysanne n’évoluera pas sans une « réinterprétation » du rapport au vivant, au naturel, au progrès, à l’imaginaire, à la poésie, à la musique, au chant, à la littérature, à la langue. Le tiers-lieu que nous portons est un tiers-lieu nourricier, et il s’agira autant de nourrir les corps que les esprits. L’enjeu est de contester la domination écrasante des villes sur les campagnes : elles envahissent notre cadre commun et nous imposent ce qu’il nous serait opportun de ressentir, lire, comprendre, savoir et devenir. Nous voulons être un lieu d’échanges, de rencontres, de création et de diffusion.
· La mobilisation par les luttes – La condition paysanne n’évoluera pas sans un rapport de force assumé contre l’accaparement de nos terres par le complexe agro-industriel. Nous revendiquons des conditions désirables d’habiter les campagnes pour toutes les habitantes et les habitants des territoires ruraux. Nous les rapprochons des conditions désirables d’habiter les cités par toutes les habitantes et les habitants des quartiers populaires. Nous devons construire des ponts entre nos villages et les villes. Ces liens permettront d’engager la classe paysanne au côté de la classe ouvrière dans la lutte contre tous les rapports de dominations imposés par la bourgeoisie.
· La mobilisation citoyenne – La condition paysanne n’évoluera pas sans un renversement démocratique qui engagerait les habitantes et les habitants dans le choix de leur alimentation réalisé en connaissance de cause. Les actifs agricoles représentent moins de 3% des actifs totaux et les clivages dans la corporation sont très importants : entre les « conventionnels » et les « bios », entre les « indépendants » et les « coopérateurs », entre la classe des « historiques » et des « néos ». La transformation du modèle de production de notre alimentation doit s’envisager avec toutes les agricultrices et tous les agriculteurs en mobilisant toutes les mangeuses et tous les mangeurs pour une démocratie alimentaire.
Le tiers-lieu paysan Beauregard se renforcera au gré de la convergence de ces mobilisations. Nous l’ouvrons à des expérimentations collectives et démocratiques entre agricultrices et agriculteurs, artisanes et artisans, habitantes et habitants, pour lutter contre l’isolement et sortir du sentiment d’impuissance. Notre perspective est d’agir par la mutualisation et l’entraide pour faire face, par nous-mêmes, depuis nos campagnes, à la crise sociale et écologique qui nous touche de plein fouet. L’écologie politique doit être démocratique, engagée par les premières et premiers concernés dans chaque territoire, sans quoi elle deviendra un nouvel outil de domination, de violence et de perte d’autonomie. Pas d’écologie dans les campagnes sans les travailleuses et les travailleurs de la terre et sans les habitantes et habitants des territoires ruraux !
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