Nous, membres du Tiers-lieu paysan Beauregard intervenons quotidiennement et bénévolement sur la zone sinistrée depuis 31 jours pour porter assistance aux sinistrés. Soucieux de nouer des partenariats avec des professionnels et d’agir par la pédagogie sur ce sinistre historique, nous avions rendez-vous le jeudi 11 septembre sur un chantier d’abattage d’arbres partiellement calcinés avec une classe de lycéen « Bac professionnel forêt » de l’Institut Saint Joseph de Limoux. Leur formateur était venu préalablement voir le chantier et évaluer son intérêt pour cette classe. Si les élèves et leur formateur sont bien partis de la Haute-Vallée, les deux véhicules qui les transportaient ne sont jamais arrivés dans les Corbières. Les chauffeurs ont fait demi-tour quand le responsable de l’établissement s’est conformé à une note des services de la préfecture de l’Aude (en annexe de ce communiqué. Le Tiers-lieu paysan Beauregard communique.

Dans la grande majorité des cas, les chantiers de reconstruction sur lesquels nous intervenons (réfections d’abris, de clôtures,…) supposent un déblaiement préalable qui inclue l’abattage d’arbres partiellement calcinés. Nous prenons soin d’encadrer les bénévoles qui interviennent sur ces chantiers en nous assurant de leur habitude à manipuler une tronçonneuse et en fournissant des équipements de protection. Nous leur dispensons une formation sur les mesures de sécurité que nous leur recommandons de respecter. La note de la DDTM, si nous l’appliquions en l’état, nous interdirait de poursuivre notre action. Plus généralement, la note de la DDTM, si elle était appliquée en l’état, limiterait l’intervention dans la zone sinistrée aux seuls spécialistes qui auraient suivi, on ne sait quelle formation, pour appliquer on ne sait quel règlement.

Nous nous indignons contre ce message techno-centré qui empêche les habitants du territoire de prendre en main la reconstruction des Corbières. Si le risque est à ce point avéré pour les travailleuses et travailleurs forestiers, qu’en est-il des premiers concernés, celles et ceux qui habitent la zone sinistrée ? Et si la présence d’agents chimiques dangereux était confirmée, quel est le risque d’exposition pour la population résidant dans la zone sinistrée ? 

Au Tiers lieu paysan Beauregard, nous appelons à un changement du modèle de production de nos aliments. Nous pensons qu’une telle transformation est possible et qu’elle suppose l’implication des habitantes et des habitants dans les processus de prise de décision. Dans le même esprit, nous avons initié le mouvement Corbières Solidaires Grands Feux pour que la reconstruction des Corbières soit prise en main par les premiers concernés. Ce mouvement émancipateur ne trouvera son aboutissement que lorsque les habitantes et les habitants se seront dotés des moyens démocratiques des choix qu’ils auront à réaliser. La note émise par les services de l’État est une entrave à cette réalisation. 

Les citoyennes et les citoyens qui veulent sortir de l’impuissance et agir pour la reconstruction des Corbières sont nombreuses et nombreux. Notre seule association en a accueilli plus de 180 en un mois. Nous appelons les organisations professionnelles agricoles du territoire à soutenir notre demande. Nous appelons les élus des communes, du département et de la région, à soutenir notre demande. Nous appelons les associations de chasse et plus généralement les associations d’activités de plein air à soutenir notre demande. Les services de l’État doivent revoir leur position en invitant les citoyennes et les citoyens qui veulent agir à se rapprocher de structures associatives aptes à les mettre en action dans le territoire. En particulier, nous refusons que soient stigmatisés les jeunes travailleurs et que l’on envisage de faire des Corbières une zone interdite.


Tiers-lieu paysan Beauregard, le 12 septembre 2025

La note de la DDTM de l'Aude reçue par les professionnels forestiers le 10 septembre 2025

S'agissant de travaux forestiers réalisés en milieu incendié, du fait de la dangerosité particulière de ces travaux en matière de santé et de sécurité au travail, il convient de prendre en considération, en lien avec les services du pôle Travail de la DREETS Occitanie et ceux du ministère de l'Agriculture, deux aspects principaux :

1/La protection de la santé des intervenants avec l’exposition aux agents chimiques dangereux :
Les travaux d’abattage d’arbres calcinés exposent à des agents chimiques dangereux (poussières de bois brulés et suies). En effet, les incendies survenus dans l’Aude ont entrainé la combustion de bois qui est elle-même à l’origine de la production de particules de carbone suie. Les travailleurs dans un chantier forestier calciné risquent donc d’être exposés principalement par voie respiratoire mais également par contact cutané et ingestion. Ces opérations dans ce contexte d’exposition aux poussières de bois brulés et suies relèvent donc des travaux réglementés (Article D4153-17 du code du travail).
Des dispositions spécifiques sont nécessaires avant l’affectation des personnes au poste de travail : évaluation des risques liée à l’exposition à des agents chimiques dangereux … mise en œuvre d’actions de prévention et de méthodes de travail adaptées, information des salariés sur les risques professionnels pour sa santé et sa sécurité, formation à la sécurité … S’agissant des mesures de prévention, une réflexion est nécessaire sur les mesures de réduction des risques d’exposition : mécanisation ? humidification ? autre ?. S’agissant de la protection individuelle, elle ne pourra pas se limiter au seul port du masque respiratoire (dans ce cas, masque à particule) qui sera difficile à porter dans ces conditions de travail. Il faudra prévenir la potentielle contamination par voie cutanée (mise à disposition de vêtement de protection longs) et également le risque d’ingestion (manque d’hygiène).
    
2/ La sécurité des intervenants (notamment liés à la fragilité des arbres calcinés) : 
Une évaluation des risques devra être effectuée en prenant en compte la fragilisation des arbres calcinés. Vigilance concernant la dangerosité que pourrait avoir les opérations d’abattage sur des arbres fragilisés, la formation pourra être complétée pour s’assurer que les personnes qui interviennent puissent avoir la capacité de le faire en sécurité. L’évaluation des risques liés aux travaux sur des arbres plus fragiles devra donc être en lien avec la capacité des personnes à intervenir. De plus, l’établissement et les formateurs devront s’assurer que les mesures d’organisations du chantier soient bien précisées, mises en place et bien respectées. Le chantier devra donc être organisé avec des consignes claires. La réglementation portant sur les chantier forestiers devra être rigoureusement appliquée.

En conclusion :
Les travaux d’abattage d’arbres calcinés exposant aux agents chimique dangereux (poussières de bois brulés et suies) relèvent de la législation du code du travail relative aux travaux réglementés (Article D4153-17 du code du travail). Compte tenu des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, il nous semble opportun que ces travaux ne soient pas confiés à de jeunes travailleurs.

Une ré-évaluation des risques avant chaque opération sera à réaliser, et des mesures strictes de prévention et de protection ainsi qu’une organisation de chantier irréprochable seront nécessaires.